CAMILO RESTREPO  

TELE-VISION

2021 – CINEMATECA DE BOGOTÁ (COLOMBIA)

Poster by Juan Manuel Bertancourt
Descripción (Español):

Video instalación de 4 pantallas y 4 canales independientes de sonido.

Las pantallas, recubiertas de un material fosforescente, retienen las imágenes proyectadas al apagarse los video-proyectores. La instalación alterna así momentos de proyección con momentos de obscuridad en la que una imagen remanente, de color verde, emerge como una imagen memoria de aquello que fue proyectado.

El material fosforescente que recubre las pantallas retiene la excitación luminosa de los video proyectores por periodos más o menos largos. En ocasiones, la imagen verde es el resultado de varias exposiciones superpuestas.

Cada pantalla mide 4 metros de largo por 3 metros de altura y está asociada a un canal independiente de sonido.

Description (English):

Video installation with 4 screens and 4 independent sound channels.

The screens, covered with a phosphorescent material, retain the projected images when the video projectors are switched off. The installation thus alternates moments of projection with moments of darkness in which a green remnant image emerges as a memory image of that which was projected.

The phosphorescent material that covers the screens retains the luminous excitation of the video projectors for varying lengths of time. Sometimes, the green image is the result of several overlapping exposures.

Each screen is 4 meters long by 3 meters high and is associated with an independent sound channel.

Description (Français) :

Installation vidéo avec 4 écrans et 4 canaux sonores indépendants.

Les écrans, recouverts d’un matériau phosphorescent, conservent les images projetées lorsque les vidéoprojecteurs sont éteints. L’installation alterne ainsi des moments de projection avec des moments d’obscurité dans lesquels une image remanente, de couleur verte, émerge comme une image souvenir de ce qui a été projeté.

Le matériau phosphorescente qui recouvre les écrans retient plus ou moins longtemps l’excitation lumineuse des vidéoprojecteurs. Parfois, l’image verte est le résultat de plusieurs expositions superposées.

Chaque écran mesure 4 mètres de long sur 3 mètres de haut et est associé à un canal sonore indépendant.

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Notas de trabajo para la exposición Tele-Visión  (Español)

A los 22 años salí de Colombia. Desde entonces, desde la distancia, un país imaginario ha remplazado en mi cabeza aquél en el que físicamente ya no estoy. Veo el país desde lejos, a través de imágenes publicadas en medios de comunicación. Pienso así en lo oportuno de esa palabra televisión, cuyas raíces traducen visión de lejos.

Visión no solamente lejana en el espacio, también en el tiempo, apoyándose en los recuerdos para intentar dar claridad a ese presente desordenado que difunden los medios. Como si el recuerdo tuviese la tarea de enfocar la imagen difusa del presente. Evadiendo así la certeza de que la memoria es un caleidoscopio de viñetas que no dan cuenta del mundo como es, sino como se ha impreso. La memoria, como la televisión, engaña. Ambas trayendo imágenes que disfrazan la realidad.

Muchos de mis recuerdos de Colombia no provienen de situaciones que viví, sino de imágenes que vi. Imágenes que veía en familia sin comprender totalmente el significado. Imágenes cuyo sentido yo no alcanzaba a interpretar y que arrancaban a los adultos un suspiro, una carcajada, un comentario irónico, una risa alegre… Un día comencé a leer el código de las imágenes. Me quejé de las incoherencias de las informaciones, me reí del sarcasmo y de la sátira de programas que yo pensaba que eran para niños. Como ese Festival Nacional del Hueco en que un grupo de payasos medía los huecos de las calles de las ciudades.

¿Qué significa la tarea absurda de querer medir un hueco? Los payasos decían que cada hueco era una prueba tangible de que los políticos corruptos se habían robado el dinero para las obras públicas. La gente de los barrios marginales los llamaba para que midieran los huecos de sus calles. Las cámaras los filmaban metiendo un metro enorme en los huecos, riéndose de la cantidad y de la enormidad de esos huecos. Decían que los huecos eran tan grandes que carros enteros cabían en ellos. Los payasos vivían de reírse de esos huecos, de esos robos, de esos políticos corruptos.

Medir un hueco es como medir un recuerdo. Es intentar darle exactitud a un vacío. Sigo con atención lo que sugieren los payasos, intentando estar atento a aquello que parece no tener nada. Una memoria llena de hechos y frases que no parece tener ninguna importancia. Aún escucho:

– La televisión te va a embrutecer.
– Jajaja
– Mierda, ¡se fue la luz!

Y sin luz todo es vacío. No queda más que volver a medir.

Camilo Restrepo, 2021

Notes de travail pour l’exposition Tele-Vision (Français)

J’ai quitté la Colombie à l’âge de 22 ans. Depuis, à distance, un pays imaginaire a remplacé dans ma tête celui dans lequel je ne suis plus physiquement. Je vois le pays de loin, à travers les images publiées dans les médias. Je réalise ainsi à quel point ce mot télévision, dont les racines traduisent « vision de loin », parle de mon rapport à la Colombie.

Une vision non seulement distante dans l’espace, mais aussi dans le temps, s’appuyant sur les souvenirs pour tenter de donner de la clarté à ce présent désordonné que les médias diffusent. Comme si la mémoire avait pour tâche de faire la mise au point de l’image floue de l’actualité. Mettant ainsi en suspens la réalité propre de la mémoire, ce kaléidoscope de vignettes qui ne rendent pas compte du monde tel qu’il est, mais tel qu’il a été imprimé. La mémoire, comme la télévision, est trompeuse, puisque tous deux apportent des images qui travestissent la réalité.

Beaucoup de mes souvenirs de la Colombie ne proviennent pas de situations que j’ai vécues, mais d’images que j’ai vues. Des images que j’ai vues en famille sans en comprendre pleinement le sens. Des images dont je n’arrivais pas à interpréter le sens et qui suscitaient chez les adultes un soupir, un rire, un commentaire ironique, un rire joyeux… Mais un jour, j’ai commencé à lire le code des images. Je devenais adulte et commençais à me plaindre de l’incohérence des informations, à rire du sarcasme et de la satire des programmes que je croyais destinés aux enfants. Comme ce « Festival national des trous » dans lequel un groupe de clowns parcourait les villes pour mesures les trous des rues.

Quel sens peut avoir le travail absurde de mesurer un trou ? Les clowns disaient que chaque trou était la preuve tangible que des politiciens corrompus avaient volé l’argent destiné aux travaux publics. Les habitants des bidonvilles les appelaient pour qu’ils mesurent les trous de leurs rues, devant des caméras qui les montraient en train de planter un mètre énorme dans chaque trou, riant de la quantité et de l’énormité des trous. Les clowns disaient que les trous étaient si gros que des voitures entières pouvaient y passer. Ils gagnaient leur vie en riant de ces trous, de ces vols, de ces politiciens corrompus.

Mesurer un trou, c’est comme mesurer un souvenir. C’est essayer de donner de la précision à un vide. Je suis attentivement ce que les clowns suggèrent, en essayant d’être attentive à ce qui semble ne rien avoir. Une mémoire pleine de faits et de phrases qui ne semblent pas avoir d’importance. J’écoute toujours :

– Mon fils, la télévision va te rendre imbécile.

– Hahaha, t’es trop drôle maman.

– Merde, le courant a été coupé ! Il n’y plus de lumière.

Et sans lumière, tout est vide. Il ne reste plus qu’à mesurer à nouveau.

Camilo Restrepo, 2021